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22 Jun

SOS : Police Partout…

Publié par Spoil'R  - Catégories :  #Analyse sociologique de la série

SOS : Police Partout…

Sir Conan Doyle et Agatha Christie, auteurs respectifs de Sherlock Holmes et Hercule Poirot, ont popularisé un genre et très certainement sont les précurseurs qui ont en grande partie inspiré le monde de la série policière. Les deux romanciers sérialisaient déjà sous forme de romans leurs héros fétiches. Alors quoi de mieux des dizaines d’années plus tard que la série télévisée pour reproduire ce schéma. La police est à la série, ce que l’amour est à la chanson. La série produit une quantité infinie d’œuvres dont le thème central est la police ou ses dérivées (détective, FBI, experts scientifiques etc.). Chaque année, les séries policières sont régulièrement les séries les plus présentes à la télévision. Concepts tordus dans tous les sens, on essaie chaque fois de réinventer la série policière, de Sherlock Holmes à Mike Hammer en passant par The Shield ou Les Experts, peut-on encore être original sur le thème de la série policière aujourd’hui ?

Beaucoup se ressemblent

La série de TF1 a pour moi réussi l’exploit de faire une quantité de séries qui se ressemblent toutes. Alors on change, on met Navarro, on met Moulin qu’on rend juste un peu plus rugueux et moins politiquement correct (mais toujours correct quand même en vrai), puis on met une femme dans la police avec Lescaut, ça nous saoule la police donc on met une autre femme mais attention dans la gendarmerie Une Femme d’Honneur, et après on fait carrément toute une famille une fille journaliste, un fils juge, un père flic avec les Cordier : mais au final on pond 10, 20, 30 ans de séries toutes pareilles. Même jeu, même thème, même aseptisation, limite faites du crossover entre les séries qu’on ne s’en rendrait même pas compte. Alors que de l’autre côté de l’Atlantique, les Etats-Unis sont les rois de la série polar qui fait semblant d’avoir des concepts ultra-différents mais qui au final sont des clones eux-aussi mais à l’américaine ! On fait juste semblant de te créer de « l’ultra concept trop original » : NYPD Blue, NCIS, Bones, LA Dragnet, FBI porté disparu etc. La seule force de ces séries ce sont les drames humains qui sont plus forts et les thèmes de société moins politiquement corrects que nos séries françaises, plus profonds. Mais on reste quand même dans un certain consensus et dans un schéma similaire.

Les années 80 aux Etats-Unis

Mais dans ce marécages de séries toutes pareils venant de tous les pays et de tous les continents, on arrive quand même à dégager quelques perles et certaines nous ont davantage marqué que d’autres. L’angle, le concept, la façon de créer, le style d’équipe ciblée peut faire toute la différence. Dans le genre historique on retiendra déjà Miami Vice (Deux Flics à Miami), une série avant-gardiste à certains points de vue. Miami Vice est la série policière qui marquera le plus les années 80, parvenant à sortir du fantôme de Starsky et Hutch. Evidemment, ils ont été influencé vu l’aura de leurs prédécesseurs, donc on reprend le créneau des deux flics. Mais on change le style, et on peut dire que Miami Vice avec ses costards colorés de sapeurs congolais, son ambiance ensoleillée avec ses plages et ses flics qui se confrontent à un monde plus dur… Eux-mêmes ont tous les deux une partie sombre. Miami Vice a marqué son temps, tellement que dans GTA Vice City (qui est l’un des plus célèbres de cette licence) on sent qu’ils se sont inspirés de deux modèles pour l’ambiance du jeu : Scarface… et Miami Vice, c’est pas mal quand même ! Les Dessous de Palm Beach aussi va reprendre un peu le genre… en moins bien ! Par ailleurs, on sort du schéma du gentil Inspecteur La Bavure dans le style Rick Hunter qui n’arrête jamais aucun criminel : schéma à la mode dans les œuvres policières des années 80.

Avant de sortir des années 80, il y a aussi un ovni, complètement avant-gardiste pour son temps ce qui explique qu’on ne s’en souvienne pas : Un Flic Dans La Mafia ! Thème à part à l’époque, tant on préférait soit faire du Rick Hunter soit du Sonny Spoon. Un Flic Dans la Mafia parlait d’un flic infiltré qui avait pour but de démanteler la Mafia du New Jersey ! Psychologie, le classique double-jeu et l’attachement au côté obscur, une police pas si clean : bref de purs thèmes qu’on n’osait pas encore trop aborder dans les années 80. Il faut que je me remate cette série, mais de mémoire j’avais grave accroché quand j’étais gosse ! Et je ferai certainement une chronique là-dessus. Bref, en France en 1980 ce qu’on crée n’est pas fabuleux, on importe peu donc les œuvres des autres pays, et à ce moment-là les Etats-Unis envahissent nos écrans ! A partir de là, la culture de la série policière se met à l’heure américaine en France.

L’Europe, elle, a été frappée du sceau de la série allemande, Derrick, ou les séries françaises Nestor Burma ou Commissaire Maigret. Des séries avec des ambiances glauques, sombres, lentes où le drame familiale est davantage mis en avant que l’enquête elle-même. Des séries qui classiquement seront évoquées comme ennuyeuses : je n’aime pas bêler avec le troupeau, donc no comment pour moi. Mais de ce fait, le public jeune de l’époque notamment, va bifurquer vers les œuvres anglo-saxonnes assez vite.

La mode du process récurrent

Dans les années 90, la série policière tourne en rond. Perry Mason succède à Colombo dans le style du grand enquêteur, on passe juste d’un flic à un avocat. La série est dans la mode du : "process" récurrent. Toutes les séries ont la même structure, les héros ont les mêmes méthodes seuls les victimes, les suspects et les enquêtes changent. Perry Mason et Colombo étant les Sherlock Holmes modernes : des enquêteurs géniaux adeptes du moindre détail, dans l’une on connait le coupable, dans l’autre non. C’est le moment opportun pour qu’une série sorte du lot : Law and Order (New York Police District). Dans la forme, le concept est pas fantastique, les enquêtes c’est pas du tout le niveau Colombo… L’originalité s’appuie sur deux choses. Premièrement, dans New Police District on voit enfin les deux aspects de la justice comme le dit fièrement la voix-off à chaque début d’épisode : la police qui mène l’enquête et le tribunal qui juge les affaires. C’est tout con, mais c’est plus réaliste que les coupables qui se dénoncent à chaque épisode de Perry Mason en pleins tribunal… Et on voit ce qui leur arrive après que Colombo les ait coincés. La deuxième originalité ce sont les thèmes de société abordés : peine de mort, pédophilie, drames familiaux, racisme, massacre, pathologie, impunités des puissants, simulation de pathologie etc. Les thèmes sont beaucoup plus réalistes et mettent le doigt sur des sujets de société souvent avec plusieurs points de vue. Cette recette fait mouche, et si les protagonistes sont toujours un peu secondaires par rapport aux enquêtes, le reste permet à la série une énorme longévité, puisqu’elle ne s’arrêtera qu’en 2010.

Le « concept » est désormais roi

Dans les années 2000, les gens vont certainement commencer à se lasser de cette méthode bis-répétita si on ne fait pas preuve d’inventivité. Le cinéma est le roi du monde mais la série va profiter de cette décennie pour boxer avec lui : une première ! On peut considérer que la série rentre dans un âge d’or dans les années 2000, notamment aux Etats-Unis. La série allemande se réinvente pendant que la France stagne insolemment et même Le Clown, série que je déteste s’impose en France sortant l’Allemagne de son image Derrick qui lui collait à la peau. Mais les Etats-Unis élèvent la barre trop haute. Rien que Cold Case était un concept fort. On est dans la tradition des séries classiques : une enquête, enquêteurs légèrement en retrait etc. Mais Cold Case dégage deux forces énormes. Le concept d’enquête sur des évènements passés qui revisite donc les époques et tous les problèmes qui pouvaient y être liés. On a des flashs qui nous permettent de voir l’apparence de chaque témoin au moment des faits. Et donc cette série par ce biais, parvient quasiment à chaque fin d’épisodes et ces petites chansons tristes à vous éveiller une horde de sentiments de gâchis : « qu’est-ce que cet homme ou cette femme serait devenu s’il n’était pas mort ! » La force de Cold Case c’est surtout cette charge émotionnelle unique que vous ressentez à chaque fin d’enquête, cette petite larme à la con, c’est qui fera la force principale de la série.

Viennent ensuite Les Experts, à mon avis, le responsable des séries de TF1 a dû voir sa vie changer après avoir vu cette série tant TF1 s’y accroche désespérément aujourd’hui. On a carrément l’impression que c’est TF1 qui a produit Les Experts : la série et tous ses dérivés monopolisent la chaîne. Au départ l’idée est bonne, se concentrer sur la partie scientifique de la police uniquement en exagérant un peu leurs fonctions de base. C’est un strike absolu ! L’idée des décors, l’ambiance, la méthode d’enquête : les Experts font un effet de surprise qui dure longtemps et qui fait cartonner la série. Mais, on sent le truc qui va mal vieillir, le rythme est pas fantastique, les personnages pas si fort par rapport à la concurrence et les thèmes sont ultra bof ! Mais ils pousseront quand même TF1 à faire un remake à la française : qui m’a bien fait marré, je vais être honnête.

La décennie a surtout permis de voir les deux séries que j’ai aimées pour leurs côtés vraies. New York 911 sort pour mettre en avant les services liés au 911 suite aux évènements du 11 septembre… Oui ça fait un peu propagande. Mais le concept est juste captivant, les personnages, leur vie, le rythme de leur carrière et ce côté nerveux font de cette série quelque chose de plus authentique. On ne voit pas de génies, pas de Colombo, pas de Docteur House, on voit des services dans le dur qui gère les troubles l’ordre public entre des couples bourrés, des pompiers qui se prennent des cailloux et des ambulanciers qui sauvent des gens dans des conditions aberrantes et qu'on ne remercie pas toujours.

Puis il y a The Shield, la série policière qui m’a marqué durant ces années 2000. On arrête Navarro, on est loin de New Police District : là on parle de flic ripoux ! Style de cadrage épaule qui donne une captation roots, montage nerveux, The Shield c’est à la fois un scénario énorme et une esthétique en adéquation avec le thème. Vic McKay commence fort en butant un collègue flic et continuera de plus belle pendant des saisons. Je ne m’en étais pas rendu compte avant le dernier épisode où on a son bilan : mais punaise lui et son équipe sont allés vraiment très loin. Cette série est tellement bien que j’ai vu des gens qui ont milité contre des flics ripoux dans leur vie de tous les jours devenir des fans de Vic McKay : le comble absolu. Il faut avouer qu’on entre dans la quintessence du genre, parce que parvenir à nous faire adorer et défendre un anti-héros est juste génial. Si en plus on ajoute à ça des criminels d’un charisme énorme comme Anton Mitchel et Armardillo, deux guests Glen Clause et Forest Whitaker qui élèvent le niveau de la série de quatre étages ! The Shield est le chef-d’œuvre policier. La chronique est déjà longue donc je n’aborderai pas la série The Wire, car c’est encore un autre niveau : et elle aura la chronique que cette série mérite.

Au bilan, les Etats-Unis ont tellement réussi à imposer leur style que beaucoup connaissent mieux la législation américaine que la législation française. Les Français avec Engrenage ou Braquo (deux remakes s’inspirant des Etats-Unis) essaient désormais d’inverser la tendance. L’Angleterre avec M.I.5, la Suède qui nous envoie Wallender et l’Allemagne s’engouffrent aussi dans le wagon, sans compter la Corée qui a réadapté City Hunter en série… Les américains ont pris une vingtaine d’années d’avance et ont su se réinventer avant même que leur style ne meure. S’engouffrer dans leur sillon n’est peut-être pas une bonne idée, car c’est reproduire la même chose 10 ans trop tard à chaque fois, du coup on a l’impression qu’excepté l’Asie, les autres pays attendent que ce soient les Etats-Unis qui lancent la nouvelle tendance. En attendant on ne peut qu’admirer l’incroyable longévité de la série policière qui parvient toujours autant à fasciner les spectateurs et les nouveaux auteurs. Ce thème finira-t-il par mourir ? Ca c’est un autre débat !

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